Je vis au Bahreïn depuis maintenant quelques années et la situation ici se dégrade. Un retour en arrière est improbable, quelque chose s'est cassé lors des événements de ces derniers jours.
Il est intéressant de voir comment se traite l'actualité quand on est en train de la vivre. Il y a un effet de mode un peu morbide autour des révolutions du monde arabe. La presse exalte le sentiment que les tyrans du moyen orient tombent les uns après les autres. La répétition du message rend la chose palpable, presque inéluctable. La succession de mathématiques morbides et d'images violentes ne reflète pas la réalité de ce que nous vivons en ce moment.
On parle beaucoup de clivage religieux entre Chiites et Sunnites. On veut simplifier le problème pour que l'information soit facile à ingurgiter. On fait des parallèles avec l'Egypte ou avec l'Iraq. C'est rassurant les parallèles, ça nous ramène dans une zone de confort. On appréhende mieux le réel quand on se réfère à des choses connues.
Le Bahreïn que je connais est à la croisée des chemins; ce pays dans lequel j'ai passé 4 années parmi les plus belles de ma vie. C'est un brise coeur de voir ce petit archipel perdre pied. C'est difficile à croire mais il y a 10 jours à peine régnait encore sur l'île l'atmosphère insouciante de l'arrivée des beaux jours.
Les ruelles de Bahreïn se font d'ordinaire l'écho de toutes les langues du monde. Les ruelles se sont tues laissant place au silence. Tout cela est un peu irréel pour nous autre, l'atmosphère qui règne ici, les coups de téléphones pour se tenir au courant, l'attente de développements nouveaux, les démentis et la propagande. La société se polarise et les gens choisissent leur camp.
Des mercenaires tirent à balle réelle sur des groupes de jeunes armés de fleurs. Quelle légitimité un gouvernement peut-il espérer après cela. Combien de sang sont-ils prêts à verser pour conserver un titre. J'ai aujourd'hui beaucoup de respect pour le peuple de Bahreïn, pour mes amis Sunnites et Chiites, pacifiques jusque dans le meurtre.
Des amis Bahrainis m'ont appelé hier soir pour aller donner du sang à l'hôpital de Salmaniya et je suis resté paisiblement chez moi. Les étrangers restent en retrait, par lâcheté, non par manque de conviction. Le peuple de Bahreïn nous pardonne, preuve si il en est de son bon coeur.
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