mercredi 23 février 2011

Faire de la pub

Faire de la publicité pour une exposition, c'est se catapulter dans le réel. Le magazine en presse, il devient très difficile de faire marche arrière, de se trouver des excuses et de décaler sans fin jusqu'à ce que l'idée même sombre dans l'oubli. 

La première fois, tout est facile car on ne réalise pas. On lance des E-mails comme autant de bouteilles à la mer, un groupe facebook diffusé aux amis et un petit peu de pub de-ci de-là au bon vouloir des magazines. Le projet est lancé et il faut assumer.

C'est lorsque la date fatidique est fixée que l'on réalise l'ampleur de ce qu'il reste à faire. Avant ça, on réfléchie, on conceptualise, on fait des rêves grandioses. Oui mais voilà, la date rendue publique le rêve doit prendre forme. Il ne fait fait plus partie de l'éther, il devient presque tangible. Il apporte avec lui tout le désagrément du réel. Combien ça coûte? Combien de jours de travail? Comment faire? 

Le déni de réalité s'est imposé en manière de faire chez Temporary Artistic Zone. Chiffrer un effort ou un coût c'est se résigner à l'inaction car tout est toujours trop cher ou trop dur. La création d'espaces artistiques découle d'un élan irréfléchie.

Voilà donc la pub qui nous met dedans. Il convient donc de se mettre au travail...

Petit photoshoot aujourd'hui dans les locaux de la future galerie Art Junction qui devrait ouvrir ses portes en Septembre de cette année. On ne saurait trop remercier Béatrice de "Lagenda" pour son aide dans la communication de nos expositions, et ce depuis le lancement de Temporary Artistic Zone!




mardi 22 février 2011

Ah oui quand même

Il y a quelques mois de cela, un ami Bahraini m'aborde et me demande si j'ai entendu parler du nouveau projet d'une certaine ministre. Il ne se souvient pas de son nom et cherche son ministère.

"Tu sais... La ministre de la télé et des trucs..."

Y a-t-il vraiment une telle ministre à Bahreïn? Je reste perplexe, réfléchissant de concert. Mais c'est bien sûr: la ministre de la culture et de l'information!

Culture = Télé

Pour le reste c'est moins grave, on se demande de toute façon ce que ça a à voir...

lundi 21 février 2011

TAZ fait les poubelles

Encore une fois il va falloir accumuler une quantité considérable de merdes objets divers et variés pour monter l'exposition. Je ne pense pas que vous puissiez réaliser le casse tête que représente le transport et le stockage de tous les matériaux. En fait Temporary Artistic Zone c'est avant tout des chiffres et des mathématiques, c'est aussi plus un club de gym qu'un collectif d'artiste. 

Dans le listing des objets improbables de TAZ on trouve en vrac: 5 frigos, 12 télés, plus de 200 barils d'essence, 3 paraboles, de la taule ondulée, un TAZ lumineux géant en bois, 80 plaques de verre et bien d'autres choses insolites... Remarquez comme tous les objets cités ont pour caractéristique commune d'être lourds et encombrants. 

Cette fois ne fait pas exception, l'exposition se fera au premier étage de la future galerie; le rez-de-chaussée c'était trop simple. Mais bon, chaque exposition comporte des difficultés qui lui sont propres. Pour la première il a fallut porter des tonnes de trucs, des poteaux en bois scellés dans du béton, des pains de glace et des pots de fleurs (ou d'arbre) principalement. 

La deuxième exposition était plus raisonnable, des frigos, un gros canapé et des télés à monter dans les escaliers par 45°C et peut être 90% d'humidité.  

Pour la troisième il a juste fallut acheminer 200 barils d'essence dans un petit camion (avec 15 barils par voyage je vous laisse calculer le nombre de rotations), décharger le camion, charger une barque (10 barils par voyage), prendre la mer, décharger la barque pour pouvoir finalement construire des temples grecs en barils. Quelle bonne idée de faire ça sur une île! Il a bien évidement fallut tout démonter après (merci les copains de Lunar Fest, vous avez géré)... 

Lors de la quatrième, nous avons construit un bidonville de 400 m2: 4 jours de montage, quelques heures de démontage, 2 semaines pour m'en remettre. Je posterai une vidéo un de ces quatre sur la destruction de l'exposition, c'est folklorique.


Tameem, élégant dans sa veste côtelée, parfaite pour faire les poubelles de Cityneon


Donc cette fois ne fait pas exception, nous allons porter des tonnes de choses au premier étage de la galerie pour pouvoir tout démonter deux jours plus tard. Petit challenge cette fois, l'escalier n'a pas de main courante et la cage d'ascenseur est vide. On aime bien se faire mal.

Merci donc à tous ceux qui nous permettent de trouver tout et n'importe quoi pour trois fois rien, Mahboub du marché iranien, les casses industrielles de Bahrain et Citineon! Merci aussi à tous les copains qui nous aident à monter et démonter. On sait on abuse, mais ça ne nous empêchera pas de vous rappeler cette fois ci!

Le temps qu'il reste

Tout est parti d'une chanson composée par Jean-Lou Dabadie pour Serge Reggiani, le temps qu'il reste. Ma prochaine exposition s'articule autour de ce texte qu'il ne me semble pas nécessaire d'expliquer:


"Combien de temps...
Combien de temps encore
Des années, des jours, des heures, combien ?
Quand j'y pense, mon coeur bat si fort...
Mon pays c'est la vie.
Combien de temps...
Combien ?

Je l'aime tant, le temps qui reste...
Je veux rire, courir, pleurer, parler,
Et voir, et croire
Et boire, danser,
Crier, manger, nager, bondir, désobéir
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Voler, chanter, partir, repartir
Souffrir, aimer
Je l'aime tant le temps qui reste

Je ne sais plus où je suis né, ni quand
Je sais qu'il n'y a pas longtemps...
Et que mon pays c'est la vie
Je sais aussi que mon père disait :
Le temps c'est comme ton pain...
Gardes-en pour demain...

J'ai encore du pain
Encore du temps, mais combien ?
Je veux jouer encore...
Je veux rire des montagnes de rires,
Je veux pleurer des torrents de larmes,
Je veux boire des bateaux entiers de vin
De Bordeaux et d'Italie
Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Je veux chanter
Je veux parler jusqu'à la fin de ma voix...
Je l'aime tant le temps qui reste...

Combien de temps...
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je veux des histoires, des voyages...
J'ai tant de gens à voir, tant d'images..
Des enfants, des femmes, des grands hommes,
Des petits hommes, des marrants, des tristes,
Des très intelligents et des cons,
C'est drôle, les cons ça repose,
C'est comme le feuillage au milieu des roses...

Combien de temps...
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je m'en fous mon amour...
Quand l'orchestre s'arrêtera, je danserai encore...
Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul...
Quand le temps s'arrêtera..
Je t'aimerai encore
Je ne sais pas où, je ne sais pas comment...
Mais je t'aimerai encore...
D'accord ?"


dimanche 20 février 2011

Quelques réponses

J'ai reçu pas mal de questions sur Bahreïn, son gouvernement, la composition du pays et comment on vit actuellement ici. Ca fait pas mal de sujets à aborder dans un petit article mais je vais m'efforcer de répondre...

Bahreïn est un royaume, c'est à dire qu'il y a un roi et il détient le pouvoir. On n'est donc pas dans une monarchie européenne avec un roi folklorique et un parlement qui prend les décisions. Ici il y a aussi un parlement élu, la chambre basse et un parlement nommé par le roi, la chambre haute. Le roi a un droit de veto (que nous avons pu apprécier à maintes reprises chaque fois que le parlement voulait interdire l'alcool dans le pays).

Le roi de Bahreïn n'est pas un mauvais roi. Il a modernisé l'économie, mis en place des services sociaux, des hôpitaux gratuits et un système d'éducation d'un bon niveau. Quand on compare Bahreïn avec les autres pays de la région il faut quand même avouer que nous ne sommes pas mal lotis ici.

Les médias ont tendance à caricaturer le problème actuel de Bahreïn en le réduisant à du sectarisme Chiite Sunnite. Cela illustre bien la faiblesse du business de l'information. Le conflit sectaire en Europe c'est vendeur, les gens comprennent bien, même si au fond ils n'ont aucune idée de la différence profonde entre Chiisme et Sunnisme. C'est pas grave, on répète jusqu'à la nausée une parodie d'analyse, cela suffit pour donner de la consistance à un message. Ce n'est pas du journalisme, c'est du marketing. Donc encore une fois, pour une information de qualité, vive la presse écrite!

A Bahreïn, le conflit Chiite Sunnite n'est pas foncièrement une réalité, cela existe mais les gens sont Bahrainis avant d'appartenir à un groupement religieux. Comme partout, la majorité est assez nationaliste et fermement en faveur de l'unité mais il est vrai qu'une partie substantielle de la population est enfermée dans le sectarisme. Donc ne généralisons pas, cela reviendrait à regarder la France en faisant l'analyse de ses extrêmes.

Pour conclure, vous n'êtes pas plus avancé maintenant pour comprendre la situation ici, mais je n'ai jamais eu la prétention d'être un analyste politique. En plus, si je livre tout tout de suite, vous n'aurez pas vraiment de raison de lire la suite.

Alex

Pourquoi ce blog

Alors voilà, certains d'entre vous m'ont conseillé d'ouvrir un blog pour traiter de l'actualité du Bahreïn, pays que je chérie et qui me supporte depuis bientôt 4 ans. J' ai compris l'idée, vous voulez éviter que je spamme vos boites mails: c'est de bonne guerre.


Loin de moi l'idée d'ouvrir un blog politique, non, si j'ai ouvert ce compte c'est plus pour relater une petite aventure qui se déroule en ce moment même dans ce petit archipel du moyen orient. Vous savez peut-être, mais j'en doute, que je fais partie d'un collectif artistique: Temporary Artistic Zone. Au sein de ce collectif j'ai eu le plaisir de monter 4 expositions avec mon partenaire Tameem et les artistes de la bande. Mais il se trouve que je vais bientôt quitter le moyen orient...


Il ne semblerait pas très raisonnable de dissoudre Temporary Artistic Zone sans un dernier baroud. Comme souvent dans la vie, l'espoir naît de rencontres et c'est à ce moment précis que nous avons fait connaissance avec Mustafa.


Mustafa est un Bahraini éduqué au visage sec. Son discours est celui d'un homme qui a su profiter de sa jeunesse, qui en a abusé probablement même et qui se tourne maintenant vers la religion. C'est un homme raffiné et sensible aux arts.


J'ai rencontré Mustafa lors d'une exposition au cours de laquelle Temporary Artistic Zone avait construit un bidonville au pied de la gigantesque demeure de l'ambassadeur des Etats-Unis. Oui je sais je vais devoir revenir là dessus, il va falloir se contenter d'une photo pour le moment.  





Toujours est-il que nous nous sommes revus et avons commencé à discuter... Mustafa est dans les affaires, il a des petits Business à droite à gauche. Il a donc commencé à m'expliquer un projet qu'il est en train de mener avec sa soeur: créer une galerie d'art contemporain à Bahrain avec une école d'art, un café et même des logements pour les artistes en résidence.


En France un tel projet serait déjà assez délicat, à Bahreïn c'est l'aventure mais nous avons quand même décidé de participer à cette épopée. Je ne vous cache pas que les événements récents dans le pays ne facilitent pas la tache...


J'ai donc rencontré Suad, la grande soeur de Mustafa, femme au voile coloré et à l'Ipad en main: Suad est une femme d'affaire. Il est donc convenu que TAZ (c'est l'acronyme de Temporary Artistic Zone, ça m'épuise de l'écrire à la longue) montera la première exposition de la Bahrain Contemporary Art Gallery.


Alors oui je sais, BCAG c'est complètement nul comme nom. On est d'accord. Seulement à Bahreïn les choses ne sont pas si facile et une entreprise doit avoir un nom qui décrit précisément son activité... Il y a vraiment des gens payés à légiférer sur n'importe quoi.


Temporary Artistic Zone est connue dans le Golfe pour ses expositions décalées dans des lieux totalement inappropriés. Exposer dans une vraie galerie, avec des murs blancs et un éclairage propre, petits fours en option risquait donc de nuire à notre image. Nous avons donc pris la décision de monter notre exposition dans les locaux en construction.

samedi 19 février 2011

4 années au Bahreïn




Je vis au Bahreïn depuis maintenant quelques années et la situation ici se dégrade. Un retour en arrière est improbable, quelque chose s'est cassé lors des événements de ces derniers jours.

Il est intéressant de voir comment se traite l'actualité quand on est en train de la vivre. Il y a un effet de mode un peu morbide autour des révolutions du monde arabe. La presse exalte le sentiment que les tyrans du moyen orient tombent les uns après les autres. La répétition du message rend la chose palpable, presque inéluctable. La succession de mathématiques morbides et d'images violentes ne reflète pas la réalité de ce que nous vivons en ce moment.

On parle beaucoup de clivage religieux entre Chiites et Sunnites. On veut simplifier le problème pour que l'information soit facile à ingurgiter. On fait des parallèles avec l'Egypte ou avec l'Iraq. C'est rassurant les parallèles, ça nous ramène dans une zone de confort. On appréhende mieux le réel quand on se réfère à des choses connues.

Le Bahreïn que je connais est à la croisée des chemins; ce pays dans lequel j'ai passé 4 années parmi les plus belles de ma vie. C'est un brise coeur de voir ce petit archipel perdre pied. C'est difficile à croire mais il y a 10 jours à peine régnait encore sur l'île l'atmosphère insouciante de l'arrivée des beaux jours. 

Les ruelles de Bahreïn se font d'ordinaire l'écho de toutes les langues du monde. Les ruelles se sont tues laissant place au silence.  Tout cela est un peu irréel pour nous autre, l'atmosphère qui règne ici, les coups de téléphones pour se tenir au courant, l'attente de développements nouveaux, les démentis et la propagande. La société se polarise et les gens choisissent leur camp. 

Des mercenaires tirent à balle réelle sur des groupes de jeunes armés de fleurs. Quelle légitimité un gouvernement peut-il espérer après cela. Combien de sang sont-ils prêts à verser pour conserver un titre. J'ai aujourd'hui beaucoup de respect pour le peuple de Bahreïn, pour mes amis Sunnites et Chiites, pacifiques jusque dans le meurtre. 

Des amis Bahrainis m'ont appelé hier soir pour aller donner du sang à l'hôpital de Salmaniya et je suis resté paisiblement chez moi. Les étrangers restent en retrait, par lâcheté, non par manque de conviction. Le peuple de Bahreïn nous pardonne, preuve si il en est de son bon coeur.

A+